Coup de cœur par Milvia Pandiani-Lacombe, conseillère culturelle de l’Alliance Française de Trieste.
Le 8 avril dernier, le Prix Alice Guy a été décerné à Audrey Diwan pour son film L’événement, lors d’une cérémonie qui s’est tenue au cinéma Max Linder à Paris. Véronique Le Bris, fondatrice du prix Alice Guy, revient sur ce prix, et sur la cérémonie de remise.
Qui était Alice Guy ?
Alice Guy est la première réalisatrice de l’histoire du cinéma. La première femme ? Non, la première cinéaste, tout court. Celle qui a pensé, imaginé que le cinéma deviendrait l’art de raconter des histoires. C’est elle qui, à partir de 1896, a inventé la grammaire du Septième art, celle qui est encore en cours aujourd’hui.
Secrétaire de Léon Gaumont, elle assiste à la première séance d’images animées organisée par les frères Lumière en mars 1895 et convainc son patron qu’on peut faire mieux ! Comment ? En racontant des histoires. Elle réalise alors la première fiction scénariste : La fée aux choux en 1896 et prend la direction des prises de vues de Gaumont jusqu’en 1906. Elle y réalise des centaines de films, découvre tout un tas d’effets spéciaux, tourne une centaine d’opéras et de films sonores avant de s’envoler pour les États-Unis en 1907. En 1910, elle y construit son propre studio, la Solax, le plus grand au monde et réalise à nouveau plusieurs centaines de films là-bas. Un enchainement de circonstances malheureuses la conduira à sa perte. Alice Guy collabore à un dernier film en 1920, rentre en France en 1922 et ne retrouvera jamais de travail dans le cinéma. Elle meurt en 1968 sans avoir réussi à faire éditer ses mémoires qui ne le seront qu’en 1973.
Pourquoi avez-vous créé le Prix Alice Guy ? Et en quoi consiste-t-il ?
J’ai lancé en 2018 le Prix Alice Guy qui récompense chaque année le meilleur film français réalisé par une femme et sorti au cinéma, avec plusieurs objectifs.
Le premier était de réhabiliter cette grande pionnière oubliée en créant un événement récurrent afin que l’on oublie plus jamais son nom.
Le second était de montrer ses films – dont une centaine existe et est bien restaurée – sur le grand écran prestigieux du Max Linder à Paris pour que tous apprécient son talent qui est immense. Ma principale préoccupation est surtout de pallier l’absence récurrente de réalisatrices dans les grands palmarès annuels. Cette éviction nuit à leur notoriété et les contraint à monter moins de projets et/ou avec moins d’argent. Les primer est une façon importante de les promouvoir et de les encourager à poursuivre leur carrière. Comme Alice Guy, elles deviennent ainsi des rôles modèles pour les plus jeunes.
Dans l’idée de valoriser le travail des femmes dans le cinéma, depuis deux ans, je mets aussi en avant le travail des compositrices de musique de films en diffusant leur musique composée sur les films d’Alice Guy (qui sont pour la plupart muets) et en les invitant à venir parler de leurs inspirations et de leur travail lors de la soirée de la remise du Prix Alice Guy. Cette année, la grande compositrice Béatrice Thiriet a improvisé au piano et donné ainsi un concert inédit.
Qui vote pour le Prix et selon quelles modalités ?
Le choix du film lauréat suit un double processus de sélection.
Tous les films à financement majoritairement français réalisés par des femmes et sortis en salle lors d’une année civile (même ceux co-réalisés avec un homme ou les programmes de courts métrages) sont éligibles. Tous sont listés en fin d’année et soumis au vote du grand public qui doit choisir au maximum 5 films dans la liste mise en ligne sur le site : prixaliceguy.com
Les votes sont ouverts du 15 décembre au 31 janvier suivant. Chaque vote compte pour une voix et les 5 films qui obtiennent ainsi le plus de voix sont déclarés finalistes.
Un jury professionnel et strictement paritaire, composé de 3 femmes et 3 hommes, se réunit pour choisir le Prix Alice Guy parmi ces 5 finalistes.
La lauréate de l’année précédente est d’office au jury qui ne comprend ni président, ni présidente.
Ce jury se réunit quelques jours avant la cérémonie des César, en février de chaque année.
Comment était composé le jury de cette édition 2022 du prix Alice Guy ?
Le jury compte 6 membres, tous professionnels du cinéma.
En 2022, il était composé de Maïmouna Doucouré, la réalisatrice du film Mignonnes, lauréat en 2021, de la compositrice Béatrice Thiriet, de la journaliste correspondante à Paris du magazine Variety, Elsa Kesslassy, de l’acteur Niels Schneider, de l’acteur et réalisateur Christopher Thompson, et du directeur salles/vidéo et VOD France de Studiocanal, Thierry Lacaze.
Le jury a délibéré à la Société d’Encouragement de l’industrie nationale à Paris, à l’endroit même où Alice Guy a découvert le cinéma des frères Lumière lors de la toute première projection collective, le 22 mars 1895.
Comment s’est déroulée la soirée de remise du prix ?
Très bien !
Après un photo call dans le hall du Max Linder Panorama qui nous accueille chaque année, Béatrice Thiriet nous a envoûté avec un ciné concert au piano sur trois films d’Alice Guy, choisis en écho au film primé.
Après quelques prises de parole sur Alice Guy, le rôle et le statut des compositrices, les membres du jury présents ont remis son prix à Audrey Diwan, pour L’Événement, en présence de son équipe et de ses amis. Ce film a ensuite été projeté.
Quand aura lieu la prochaine édition du prix Alice Guy ?
Elle débutera comme chaque année le 15 décembre quand sera mis en ligne la liste des films de réalisatrices éligibles – il y en a environ 80 par année.
Mais, le Prix Alice Guy commence à vivre tout au long de l’année à travers des déclinaisons diverses, dans le court métrage notamment. Le 22 avril 2022, a été remise la première Mention Prix Alice Guy au Nikon Film Festival à Paris. En juillet, le 32e Festival International de Marseille (FID) remettra son 3e Prix Alice Guy à un film bref en compétition. D’autres partenariats sont en cours avec les festivals Phare d’Arles, Format court, l’association Jules+ Jim de La Rochelle et des négociations sont en cours avec d’autres festivals en France et à l’étranger.