Animateur et producteur d’émissions dédiées à la culture et à l’art sur les principales radios et chaînes de télévision françaises, photographe, réalisateur, écrivain, Daniel Schick est une personnalité du monde médiatique et culturel qui suscite la curiosité et l’intérêt du public par son originalité, sa sensibilité, sa connaissance. C’est un merveilleux conteur qui nous captive par son ton vif, aimable et singulier, ses images et son style.
Racontez-nous comment est né votre intérêt pour la radio que vous exprimez très jeune en créant des programmes et des émissions nouvelles qui vous font remarquer par les principales stations radiophoniques?
Depuis tout petit, et je crains de ne pas être encore très grand, j’ai compris que la culture, la connaissance des autres individus comme celle des autres cultures conduit à un épanouissement personnel et à éteindre la peur que l’on peut avoir des autres. La culture permet de se développer individuellement, de s’épanouir et d’avoir moins peur de ce qui est différent.
Au lycée, j’ai vu des élèves rejetés parce qu’ils étaient différents. J’ai vu des amis privilégiés pour qui la culture était incluse dans le prix de la vie et d’autres qui pensaient que ce n’était pas pour eux. Cette idée que certains s’excluent de la possibilité d’apprendre, d’être émerveillés m’a attristé et choqué. Dès le lycée, je me suis occupé des activités socio-culturelles. J’ai eu la chance de bénéficier du soutien du proviseur. Du coup, j’ai pu faire venir des compagnies théâtrales, et ai même réalisé quelques mises en scène. J’ai également organisé des projections de films et invité des artistes qui ont raconté leur vie. Tout cela eut beaucoup de succès. Les élèves, les professeurs, les parents, tout le monde participait, débattait, commentait. La culture cassait les barrières, mettait de la vie, de la joie et un peu de «bordel» aussi. En écoutant les artistes, en assistant aux spectacles et aux projections, j’ai compris que j’adorais que nous soient racontées des histoires. Mon admiration des créateurs quelque soit leur discipline est née au lycée. J’étais fasciné par ces «Merlin l’enchanteur».
A la radio, j’écoutais l’émission «Radioscopie» sur France Inter car son animateur Jacques Chancel permettait à des humains de raconter leur vie, leur façon de voir la vie. J’ai appris alors que France Inter lançait un concours où des jeunes devaient imaginer des programmes. J’ai proposé de faire la radioscopie de Jacques Chancel et j’ai gagné ce prix soutenu par la communauté radiophonique des programmes de langue française. Je n’avais pas 18 ans et les portes de la Maison de la Radio s’ouvraient en grand. Un peu plus tard, à vingt ans à peine, Radio France Internationale (RFI) me proposait de faire mes propres émissions. Là j’ai compris la force poétique que peut avoir la radio et son pouvoir d’agir sur les autres, de les émouvoir, de les distraire, de les éveiller aussi. Grace à RFI, j’ai voyagé dans le monde entier dans des conditions incroyables, rencontrant les plus grands artistes et des publics bouleversants de New York à Douala, de Saint Pierre et Miquelon à Hong Kong, de Bahia à la Nouvelle Orléans, de l’île de la Réunion à Dakar, de la Syrie à Macao. Formidable pour un môme non? Vous connaissez beaucoup de métiers qui permettent de rencontrer qui vous voulez, de voyager et de faire rêver les gens, de les éveiller, bref d’être utile? Moi pas, donc j’ai épousé la radio très jeune grâce à RFI, puis à France Musique et à France Inter. Ironie de l’histoire, Jacques Chancel m’a engagé pour travailler sur une de ses émissions puis j’ai eu les miennes dont «A titre provisoire» ma petite «Radioscopie» à moi. Ensuite cela a continué, essentiellement sur Europe 1 où j’ai reçu près de 9000 personnes. Je n’en reviens pas!
Votre parcours professionnel est riche d’expériences dans les différents médias et jalonné de rencontres avec des personnalités exceptionnelles, quelles sont celles qui vous ont marqué particulièrement?
Que c’est difficile de répondre car personne ne ressemble à personne. J’ai été ému par les doutes de Sœur Emmanuelle, la volonté de s’en sortir d’un condamné à perpétuité interviewé dans sa cellule, la force et le talent de la pianiste Brigitte Engerer, le courage de Madame Danielle Mitterrand, l’intelligence du pianiste et chef d’orchestre Daniel Barenboim ou du professeur (prix Nobel) François Jacob. La révolte d’un jeune hémophile contaminé par le virus du Sida m’a bouleversé, comme la volonté d’un homme d’affaires de devenir femme (Sandrine Pujol).
Par ces centaines de rencontres, j’ai appris la musique, découvert la peinture, la politique. J’ai été payé pour apprendre et rencontrer des individus rares dont certains sont devenus des amis, honteux n’est-ce pas?!
Vous passez à la réalisation pour faire partager votre amour de l’art et des artistes. Comment choisissez-vous les thèmes et sujets de vos documentaires?
Vous savez, faire des émissions de radio ou de télévision, réaliser des films, prendre des photos ou écrire des livres, c’est la même chose : c’est raconter des histoires, montrer aux hommes ce qu’ils sont capables de faire de beau et de grand, de construire. On montre tellement plus ceux qui détruisent, abîment, c’est décourageant. Je préfère faire découvrir, raconter, mettre en évidence, celles et ceux qui embellissent nos vies, les nourrissent, nous grandissent.
Les dix films que j’ai réalisés grâce à France télévisions ont montré, raconté, le sculpteur Rodin ou le peintre Courbet, la chanteuse Françoise Hardy…mais aussi des tas «d’Arts-moureux» comme je le suis. Réaliser permet d’être entouré d’artistes, d’artisans talentueux du compositeur à la cheffe opératrice ou la monteuse. Bref, je suis dingue du talent des autres, dès que je peux je les raconte, les mets en valeur. Sans le talent des autres, je me rétrécis, la vie devient fade.
Votre dernier ouvrage «Avec Elle» publié chez Plon est un récit intime, qui raconte votre histoire d’amitié avec l’une des chanteuses françaises les plus populaires, Véronique Sanson. Est-ce un hommage que vous avez voulu lui rendre?
Dans la notion d’hommage, il y a quelque chose de déférent et d’un peu morbide. Si on parlait simplement d’amour. Véronique Sanson est une femme que j’aime viscéralement. Elle est un mélange de force et de fragilité, de volonté et de doute. C’est une fille bien, téméraire, intègre, entière, cultivée, engagée et drôle comme une gamine de 15 ans. Grandir ne l’a pas conduit à être vieille, ni endormie, ni dénuée de rages et de révoltes. Elle est facétieuse. Je m’y retrouve un peu pour être honnête.
Le livre est une façon de la raconter à travers un journal intime qui relate une relation merveilleuse de trente ans. Il faut dire de leur vivant aux gens qu’on aime, qu’on les aime. Depuis sa publication chez Plon puis la version poche chez J’ai lu, ce livre m’a conduit à des rencontres incroyables avec ses fans. C’est d’eux que sont venus les mots les plus beaux et encourageants quant à continuer d’écrire. Du coup un autre livre en ce moment agite mes nuits et mes jours. Quelle galère que d’écrire. Tant de solitude. C’est paradoxal quand on fait depuis longtemps tant de choses pour et avec les autres…
Vous vous définissez comme «un militant pour la culture» qu’est -ce que cela signifie?
Être un militant pour la culture, c’est organiser sa vie pour elle, respirer sa vie pour elle et transmettre par tous les moyens possibles le message que la culture sauve de la barbarie, évite le tout consumérisme accablant et permet à chacun de s’épanouir. Si chacun s’épanouit, s’ouvre aux autres par la culture, comprend les autres cultures par leur connaissance, cela devrait diminuer la haine et faciliter le vivre ensemble.
Quels sont vos projets pour cette nouvelle année?
Comme vous l’avez compris j’écris, et bien entendu dans ce nouveau récit, la culture joue un rôle essentiel entre deux personnes qui ne se seraient jamais rencontrées sans elle, mais chut… Je viens également de proposer trois films et une idée de magazine à France télévisions et à ARTE. Et qui dit que la radio ne va pas refaire un petit tour dans ma vie… Et le projet de ne rien faire me tente. Ne rien faire sauf voyager, apprendre, aller voir des expos, des films, des spectacles et lire. Oui, j’aimerais avoir comme projet d’arriver à ne rien faire, ne serait-ce qu’un jour. Rires!