Entretien avec Jacques Terzian, initiateur et Président de prix littéraires, ancien Directeur général du Publicis Drugstore à Paris.
Pendant plus de dix-sept ans, Jacques Terzian a dirigé le mythique Publicis Drugstore, au 133 avenue des Champs-Élysées, à proximité de la place de l’Étoile et de l’Arc de Triomphe. Dans ce cadre, il a notamment imaginé la création de deux prix littéraires, le prix Roman News et le prix Roman Graphique News, et il a participé plus récemment à la création du nouveau prix « Aznavour des Mots d’Amour » dont il est également membre du jury. Avec cet entretien Jacques Terzian revient sur son parcours à la tête du Publicis Drugstore et sur les différents prix littéraires créés.
Comment est né le Drugstore Publicis, rebaptisé en 2004 Publicisdrugstore ?
Le Drugstore Publicis a été créé en 1958 par Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de la célèbre agence de publicité Publicis, au retour de l’un de ses voyages aux Etats Unis.
Il a importé à Paris le nom Drugstore mais c’est un véritable concept original de consommation qu’il a créé.
Dès son ouverture le succès du Drugstore a été immédiat auprès de la jeunesse dorée et branchée parisienne (Jacques Dutronc le chante dans Les Playboys), ainsi qu’auprès des milieux politiques et d’affaires des Champs-Élysées et de la capitale.
Le Drugstore fait partie intégrante du patrimoine du Groupe Publicis.
Maurice Lévy, successeur de Marcel Bleustein-Blanchet, a perpétué l’attachement du Groupe Publicis à ce lieu devenu mythique, sur la plus belle avenue du monde.
En quoi consiste son concept qui en fait un établissement novateur au moment de sa création, et quelles sont les évolutions qui ont marqué son histoire ?
Le Drugstore était révolutionnaire dans son concept en étant ouvert 7 jours sur 7, jusqu’à 2 heures du matin. Il permettait d’offrir tous les services de consommation moderne en un seul lieu : acheter un journal, un livre, un sandwich, un cigare, une bouteille de vin, un cadeau, un parfum. Mais aussi de se restaurer dans sa brasserie, voir un film au Cinéma Publicis, ou acheter un médicament dans sa pharmacie. Même les Galeries Lafayette ne le proposent pas encore aujourd’hui.
Lieu de dépannage mais aussi destination sélective dans un univers luxueux, chic et rapide, le Drugstore reste de nos jours une adresse parisienne très fréquentée où passent quotidiennement en moyenne six mille personnes.
C’est au Drugstore qu’apparaissent les premiers burgers et club sandwichs à Paris. Sa réputation de « Glacier des Champs-Élysées » s’est forgée au travers des Banana Split ou Chocolate Rock toujours présents sur la carte, et dans les mémoires des plus gourmands.
Ouvert sur la ville et sur le monde, le Drugstore exprime les tendances et les actualités du livre, de la Presse, du Cinéma, des cultures alimentaires, et de la mode parisienne et internationale.
Après son lancement en 1958, le concept Drugstore a connu un développement important. Des points de vente ont été ouverts à Saint-Germain-des-Prés, à l’Opéra, au Rond-point des Champs Élysées, à Neuilly…
En septembre 1972, un incendie a ravagé l’immeuble Publicis sur les Champs-Élysées et avec lui le Drugstore. Il fut reconstruit dans une structure moderne en 1975.
À partir des années 1990, le Groupe Publicis devenu entre-temps un des leaders mondiaux de la communication a concentré le concept Drugstore sur le seul lieu d’origine situé sur les Champs-Élysées.
La structure de verre qui entoure l’immeuble Publicis et le Drugstore date de 2004 et a été réalisée par l’architecte italo-américain Michele Saee.
Pendant plus de dix-sept années vous avez dirigé ce lieu parisien emblématique, quels ont été les temps fort pendant cette période ? Avez-vous des souvenirs particuliers ?
J’ai pris la direction de Publicisdrugstore en 2004 jusqu’en 2021, sous l’œil, le contrôle attentif du Président Maurice Lévy, et avec sa confiance.
Durant cette période mon objectif fut d’en faire, avec mon équipe, un véritable lieu de vie au travers de son offre, ses évènements, son public.
C’est pourquoi nous y avons Introduit de belles marques, des grands noms de la mode, de la gastronomie et de la restauration, tels Pierre Hermé, Alain Ducasse, Éric Frechon, Petrossian.
La rencontre et la relation privilégiée avec Joël Robuchon ont permis en 2010 la création de l’Atelier Étoile Joël Robuchon, au sein du Drugstore. L’Atelier reste toujours en belle activité malgré la disparition du grand Chef, et ce grâce au talent d’Eric Bouchenoire qui a pris le relais.
En 2017 c’est avec Éric Frechon Chef 3 étoiles que nous avons transformé la brasserie du Drugstore pour lui redonner ses symboles, son lustre d’antan et réaffirmer son lien avec le temple de la Pub qu’est l’immeuble Publicis.
Le Publicisdrugstore s’est également donné l’opportunité de recevoir des personnalités importantes du monde de la Culture, de la politique, grâce à la création des Rencontres dédicaces que nous avons initiées avec de grands artistes, et qui alimentent le cœur battant du lieu. Ainsi, les Rencontres avec le réalisateur David Lynch ou avec Patti Smith furent exceptionnelles et mémorables.
Un autre évènement inoubliable qui s’est tenu de novembre 2009 à janvier 2010 fut la réalisation, par le créateur Jean-Charles de Castelbajac, du projet « Pop your XMAS » qui consistait en la transformation de la façade de verre du Drugstore en un vitrail pop aux couleurs de l’arc en ciel.
Et puis je veux aussi mentionner la Rencontre organisée avec le grand artiste Charles Aznavour qui a été pour moi, Arménien d’origine, un moment particulièrement exceptionnel. Charles Aznavour allait devenir un fidèle habitué de nos restaurants.
Mais l’emplacement privilégié du Drugstore, en haut des Champs-Élysées, en fait aussi un lieu exposé. Il a parfois subi des dégâts matériels notamment en 2018 à l’occasion de la célébration de la victoire de la France à la Coupe du monde de football, mais aussi lors du mouvement des gilets jaunes.
Comment vous est venue l’idée de la création d’un prix littéraire, et en quoi consiste-t-il ?
La Librairie fait partie de l’ADN du Drugstore. Spécialisée dans l’actualité politique-économique et dans celle de littérature générale, la Librairie du Drugstore devait trouver au travers d’un Prix littéraire l’expression de sa spécificité.
C’est une première expérience en 1978, à la fin de mes études, dans une petite maison d’édition, puis mes fonctions de 1996 à 2004 à la direction commerciale au Musée du Louvre qui possède la plus grande librairie d’art du monde, qui m’ont conduit vers les chemins du livre.
En 2011 nous avons fondé le Prix du Roman News en collaboration avec le magazine Stiletto. Et depuis 2022 le magazine Les Échos Week-End s’est associé au Prix qui est devenu le « Prix du Roman News Publicisdrugstore-Les Échos Week-End ».
Ce Prix a pour objet de récompenser un ouvrage traitant du réel et de l’actualité de manière romancée.
Depuis sa création il a récompensé de nombreux auteurs qui par la suite ont connu de brillants destins littéraires, Karine Thuil, Boualem Sansal, Virginie Despentes, Mathias Enard, Camille Laurens, Emma Becker, Mathieu Palain, Negar Djavadi, Monica Sabolo, Sarah Chiche, Philippe Lançon, Marc Dugain…
Toujours en 2022, nous avons pris l’initiative de créer le « Prix du Roman Graphique News Publicisdrugstore-Les Échos Week-End ». En effet le roman graphique constitue désormais une tendance de fond dans l’édition et connait un succès croissant auprès des lecteurs.
Le jury de ces deux Prix que je préside, est composé de personnalités diverses :
Isabelle Giordano, Véronique Nichanian, Zoé Shepard, Sonia Sieff, Emmanuelle Boyer, Mohamed Aïssaoui, Adrien Gombeaud, Marin Karmitz, Mathieu Palain et Yves De Gaulle.
La secrétaire générale du prix est Isabelle Rabineau.
Quand s’est tenue la dernière édition des prix du Roman News et du Roman Graphique News, et quels en ont été les lauréats ?
La cérémonie de remise de ces deux prix s’est tenue le 21 septembre 2023 sur la Terrasse Publicis. Les Lauréats suivants ont été récompensés : François-Henri Désérable a reçu le prix du Roman News pour L’Usure d’un monde, Une traversée de l’Iran publié aux éditions Gallimard ; Joann Sfar a reçu le Prix du Roman Graphique News pour Les Enfants ne se laissaient pas faire également chez Gallimard.
Parlez-nous du nouveau prix littéraire « Aznavour des Mots d’Amour », pourquoi sa création et quel est son objet ?
Ce prix littéraire a été créé à l’initiative de Mischa Aznavour en hommage à son père Charles Aznavour, grand parolier et admirateur de la langue française.
Son objet est le suivant : Le Prix Aznavour des Mots d’Amour se veut être l’expression des nouveaux codes amoureux au XXIème siècle. Il vise à donner une représentation contemporaine de l’ensemble du spectre de l’Amour.
Le prix récompense l’auteur d’un ouvrage (roman, récit ou poésie) d’expression française, publié entre le 1er mai de l’année précédente et le 1er mai de l’année en cours. Sa dotation est de cinq mille euros.
J’ai eu le plaisir de participer à sa mise en place et je fais partie de son jury, aux côtés de Mischa Aznavour, André Manoukian, Pascal Nègre, Gérard Davoust, Samuel Brussell, Manuel Carcassonne Valérie Toranian et Ségolène Royale.
Le Secrétaire Général du Prix est Flavio Nervegna.
Comment s’est passée la première édition de ce prix ?
Pour la première édition du Prix « Aznavour des Mots d’Amour », le jury réuni à l’Hôtel Particulier à Montmartre, a récompensé le 22 mai 2023 (date d’anniversaire de Charles Aznavour) la jeune auteure Perrine Tripier et son premier roman Les guerres précieuses paru chez Gallimard.
Le calendrier des prochains prix littéraires est-il déjà fixé ?
La prochaine édition du « Prix Roman News Publicisdrugstore-Les Échos Week-End » et du « Roman Graphique News » se tiendra en septembre 2024 et celle du « Prix Aznavour des Mots d’amour » se déroulera en mai 2024, à l’occasion du 100ème anniversaire de la naissance de Charles Aznavour.