Entretien avec Marc-Olivier Dupin musicien, compositeur, éditeur, producteur.
Le parcours professionnel de Marc-Olivier Dupin pourrait être défini par la chanson écrite par Michel Berger « Tout pour la Musique ». Musicien, arrangeur, compositeur, son travail est récompensé par des prix prestigieux : Prix jeune talent de la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), prix de la Critique de théâtre pour ses musiques de scène, et le prix Charles Cros, catégorie Jeune public. Marc-Olivier Dupin a également assumé des responsabilités institutionnelles importantes, toujours au service de la musique : Délégué à la musique au Ministère de la culture et de la communication, Directeur général de l’Orchestre national d’Île-de-France, Directeur du Conservatoire de musique et de danse de Paris, Directeur de France Musique et Directeur de la musique à Radio France… En 2020 il a été nommé pour une durée de trois ans, Représentant musique au Conseil d’administration de la SACD.
Sa rencontre vous marque par l’empathie qu’il dégage, sa capacité à vous emmener dans son univers musical et à transmettre son enthousiasme, sa passion pour la Musique.
Marc-Olivier Dupin nous fait le plaisir de cet entretien pour évoquer son parcours artistique, son activité et son agenda musical pour 2022.
Quelle formation musicale avez-vous suivie et qu’est-ce qui vous a amené à la composition ?
D’une famille de musiciens, je suis littéralement tombé dans la marmite à musique dès mon enfance… J’ai commencé le violon avec mon père puis l’harmonie à l’adolescence et, après mon baccalauréat, je suis entré au Conservatoire de Paris où j’ai étudié une dizaine d’années, en gagnant progressivement ma vie.
Quels sont les musiciens, les artistes, qui vous ont inspiré ou qui vous inspirent tout particulièrement ?
Ma formation classique m’a évidemment rendu familier des génies que sont Bach, Mozart et beaucoup d’autres de la Renaissance à la musique contemporaine. Mais, étudiants, mes condisciples et moi adorions autant les Beatles que les Pink Floyd et Bernstein. Mais j’ai eu aussi la chance d’être nourri par la littérature, la peinture et le cinéma. Et fort heureusement, tout cela se mélange dans l’inconscient !
Beaucoup de vos compositions sont pluridisciplinaires : théâtre, opéra, cinéma, contes musicaux…Vous dites « J’adore cette rencontre de la musique avec les autres Arts ». Quelles sont les principales œuvres que vous avez adaptées musicalement, et comment avez-vous procédé ?
Quand j’avais une vingtaine d’années, je ne me voyais pas comme compositeur à écrire des pièces « pour le concert » (ni des œuvres dans la continuité des écoles post sérielles, ni dans un langage académique). Alors ce sont des rencontres avec des metteurs en scène, des réalisateurs, et d’autres professionnels du spectacle et de l’audiovisuel qui m’ont ouvert la porte et le goût de la pluridisciplinarité.
L’une de mes expériences les plus marquantes, a un rapport avec l’Italie : en 1975, j’ai rencontré le metteur en scène Jean-Marie Simon qui m’a embarqué dans une pièce de théâtre, « le Neveu de Rameau », avec une distribution extraordinaire : Philippe Clévenot, Jean-Marc Bory, l’éclairagiste André Diot. J’en avais composé la musique et jouais du violon dans ce spectacle, donné à Spoleto en Ombrie. La beauté du texte, du lieu, et la grâce de cette première rencontre avec le théâtre ont été pour moi un choc extraordinaire.
Aujourd’hui, je travaille sur des sujets d’une grand diversité : des réalisations pour le jeune public (Le Petit Prince, Le chat du rabbin…), mais aussi pour des documentaires sur la Seconde guerre mondiale pour la chaîne ARTE, avec le réalisateur Jérôme Prieur, ou un grand projet sur Victor Hugo pour 2023.
Pour quelles raisons créé-vous en 2004 votre maison de production et d’édition Tsipka Dripka?
J’ai créé ma propre structure d’édition et de production parce-que les éditeurs traditionnels étaient d’une inertie et d’une lenteur inadaptées à l’urgence de mes projets… Son nom suscite généralement la curiosité ! En fait, quand vous choisissez le nom d’une association ou d’une entreprise, vous devez vous assurer de l’originalité du titre. Or, après plusieurs essais infructueux, j’en suis venu à choisir le nom d’un personnage d’une petite comptine russe que ma mère me chantait, enfant…
Cette structure reste modeste mais me permet de réaliser de multiples actions telles que produire des spectacles, éditer mes livres et partitions. En ce moment nous travaillons à la mise en service du site de vente en ligne qui comprendra plus d’une centaine d’œuvres.
En 2011 le Président du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), Éric Grandeau, fait appel à votre expertise et vous demande un rapport sur « la Musique à l’image ». Dix ans après la remise de votre rapport quelles sont les améliorations que vous avez constatées ?
Depuis cette mission qui remonte à plus d’une dizaine d’années, le chemin parcouru est bien mince… Certes, la musique de film est davantage à l’honneur dans les médias français, avec notamment la célébration des compositeurs stars. Cependant, et pour n’évoquer que deux points : il n’y a toujours pas de Palme d’or de la musique au festival de Cannes, et comme le montre une récente étude du SNAC (Syndicat National des Auteurs Compositeurs), sur les éditeurs de musique à l’image, les producteurs ne s’intéressent généralement pas beaucoup à la musique, dans l’audiovisuel…
La transmission, la pédagogie sont des valeurs importantes que l’on retrouve tout au long de votre parcours. En 2007 et 2009 vous publiez « Écouter c’est simple : pour une éducation musicale », et « Petits secrets de musiciens : pour réussir examens et concours ». En mars 2017 vous créez l’association « Le grand mélange », que vous dirigez. Quelles sont ses principales missions, son activité, et quel est l’objet de votre composition musicale Cop-Cop 26 que des collégiens vont interpréter ?
J’ai en effet été toujours engagé dans la pédagogie musicale. Après avoir dirigé plusieurs conservatoires (dont le Conservatoire de Paris entre 1993 et 2000), j’ai toujours milité pour que les enfants s’approprient la musique par le chant choral. Je pense que le « solfège » à la française est formidable pour les futurs professionnels mais désastreux pour les autres… Sur ces sujets j’ai d’ailleurs eu la chance de travailler pendant deux ans avec Jack Lang (2000 /2002) quand il était ministre de l’Éducation nationale. Et en 2017, j’ai créé l’association Le grand mélange qui organise de nombreux ateliers réguliers de chant choral dans les écoles, collèges et lycées qui souhaitent nous accueillir.
Cop-cop 26, est un petit chant à deux voix que j’ai composé pour des collégiens qui préparent un concert sur le thème de la nature et de l’environnement. En cherchant des chants sur le sujet de l’écologie, je n’ai rencontré que des textes terriblement sérieux (à juste titre !). Alors je me suis dit qu’écrire de façon un peu ludique et joyeuse ne ferait pas de mal à ces ados, ma fille aînée Lila a fait une sélection d’extraits du communiqué final de la Cop 26, et je me suis mis au travail…
Tous les samedis matin, on vous retrouve sur France Musique, dans « Une œuvre trois idées ». En quoi consiste cette émission ?
Un peu comme la pédagogie, la vulgarisation me fascine. Aussi, sans utiliser de vocabulaire technique, je tente d’évoquer trois idées simples sur une œuvre musicale donnée, que ce soient des « tubes » comme le Boléro de Ravel ou des pièces moins connues de la Renaissance ou du 20ème siècle… L’exercice est difficile parce que cette chronique est courte (autour de 5 minutes) et qu’il est ardu pour un vieux musicien académique comme moi de ne pas entrer dans le jargon professionnel !…
En tant que musicien et compositeur comment avez-vous vécu ces mois de pandémie pendant lesquels le secteur culturel a été fortement impacté ?
Je crois que j’ai fait partie des chanceux. Pendant les périodes de confinement, j’ai écrit et je me suis occupé davantage de mes enfants ! Et dans les moments plus favorables à l’ouverture des salles, j’ai pu diriger plusieurs de mes spectacles, tels que Le Petit Prince ou Monsieur Crocodile a beaucoup faim, deux spectacles d’après des BD de Joann Sfar.
Quels sont vos prochains rendez-vous avec le public pour cette saison musicale 2022 ?
L’un des prochains spectacles est la reprise d’un de mes opéras, à l’Opéra Comique, tout début avril : Robert le cochon et les kidnappeurs, que je vais diriger. Par ailleurs, la Comédie-Française reprend le Malade Imaginaire dans la mise en scène de Claude Stratz pour laquelle j’ai composé des musiques interprétées live en scène. Vous pouvez retrouver l’ensemble de ces prochains rendez-vous sur mon site www.marcolivierdupin.fr .