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Entretien avec Quentin Delcourt, réalisateur, scénariste, comédien, directeur artistique, programmateur du cinéma multiplex Majestic de Compiègne, créateur d’un festival … par Milvia Pandiani-Lacombe.

Ce jeune artiste et professionnel du cinéma interpelle par un parcours déjà riche et diversifié en France, au Québec, mais aussi au Vietnam, à San Francisco et Los Angeles. Il a tous les talents : doué, chaleureux, déterminé, engagé, il vous charme par son sourire irrésistible et vous emmène dans son univers créatif. J’ai souhaité vous faire partager mon admiration et mon enthousiasme pour son travail, sa personne, grâce à cet entretien.

Après avoir fait hypokhâgne au lycée Fénelon à Paris, vous partez au Québec où vous vous diplômez en 2013 en études cinématographiques à l’université de Montréal. Pourquoi faites-vous ce choix de partir et comment se passe votre début de parcours artistique au Québec jusqu’à votre retour définitif en France en 2017?

En 2010, j’ai effectivement décidé de quitter la classe préparatoire du lycée Fénelon – que j’adorais – pour partir étudier le cinéma à Montréal. J’avais alors à peine dix-neuf ans et commençais enfin la première grande aventure de ma vie. C’est ma professeure de philosophie qui m’a convaincu de partir. Je traversais à l’époque une épreuve personnelle difficile et me souviens d’un matin où, à la fin d’un cours, elle m’a dit : «Si vous devez partir retrouver celui que vous étiez avant les faits, n’hésitez pas un seul instant». Comme je l’admirais beaucoup et que les professeurs font d’habitude tout pour retenir les élèves dans ces classes, j’ai su que je faisais le bon choix. Il n’y avait alors qu’un seul domaine d’études envisageable pour moi : le cinéma. C’était mon rêve d’enfant. J’avais tout fait pour plaire à mes parents et les rassurer jusque-là, mais je me suis dit que tant qu’à partir autant faire ce qui me plaisait réellement. Une fois à Montréal, j’ai suivi les cours magistraux de l’université nord-américaine pour apprendre la théorie et l’histoire du cinéma, mais aussi la psychologie spectatorielle, l’étude du genre dans le cinéma, etc.
Je misais tout sur la théorie, car je savais qu’après j’aurais moins de temps et de motivation pour me replonger dans les œuvres de Deleuze, Morin, Kristeva, etc. La pratique, je ne voulais pas en entendre parler, car il y a cette tendance insupportable chez certains étudiants à se penser les prochains Kubrick, Scorsese ou autres. Je savais que je ne voulais pas perdre de temps dans des conflits d’égos et j’ai donc appris mon métier sur le terrain, par des stages dans des sociétés de production et sur les tournages directement. J’alternais entre les postes de premier assistant réalisateur (indispensable à mon sens pour bien comprendre l’énergie et l’organisation d’un plateau) et de Directeur artistique, autant pour le cinéma que pour la mode ou la musique.
En 2013, je produis et réalise un premier court métrage Alain, sur un secret de famille pesant autour de l’inceste, avec des acteurs professionnels. C’est là pour moi que tout s’est joué lorsque j’ai ressenti l’adrénaline de la production et du tournage d’un film. J’étais assis sur les marches de la salle de projection au cinéma le Beaubien à Montréal le soir de la première (6 janvier 2015) car la salle était comble malgré une tempête de neige et c’est là, tremblant d’émotion et envahi par le stress au milieu de cette foule silencieuse face à l’histoire partagée sur l’écran, que j’ai compris que je ferai ce métier toute ma vie. Le lendemain de la projection, j’étais cloué au lit, vide de tout et dans la pénombre totale, lorsque le téléphone a sonné. C’était Carissa Vales, une amie artiste interprète talentueuse qui avait assisté à la projection du film, et qui me proposait de travailler avec elle sur son prochain clip. Depuis ce jour, je n’ai jamais fait autre chose qu’exercer ma passion. J’ai intégré rapidement la société de production de Carissa et nous avons travaillé ensemble plus de deux ans, pendant lesquels je m’occupais de son image artistique et de ses vidéo-clips. En parallèle, je multipliais les expériences de tournages et les rencontres, tout en continuant de jouer et d’écrire.

Votre retour en France a-t-il été motivé par le développement d’un projet en particulier?

Mon retour en France a été motivé par plusieurs raisons. Après plus de six années passées à Montréal, je me suis senti prêt à écrire un premier long-métrage. J’avais plusieurs sujets en développement et un scénario en écriture, L’Alliance, en réaction notamment aux images terribles que j’avais vues de la «Manif pour Tous» en France quelques années auparavant, au moment du vote de la loi sur le mariage pour tous. Le scénario se déroulait entre la Turquie, la France et le Québec, c’était un projet ambitieux et excitant autour duquel j’avais commencé à réunir une équipe et un casting.
Je voulais quitter Montréal depuis un moment, et j’hésitais entre Toronto et Vancouver, ayant toujours besoin d’aller plus loin et aimant parler anglais. Puis, ce fut comme une évidence, j’ai compris que c’était la France qui me manquait réellement et que le plus grand se trouvait désormais dans ce qui me semblait le plus petit à l’époque : ma région natale. Ma décision de rentrer fut prise instantanément. J’ai toujours aimé notre pays, son histoire, sa culture et surtout son potentiel. J’avais juste peur de ce traditionalisme et de cet élitisme que j’avais fui six ans auparavant. Je me suis alors interrogé sur l’opportunité d’entrer à la Fémis (école nationale supérieure des métiers de l’image et du son), car je savais que mon retour en France me ramenait à mon point de départ. Une fois de plus j’ai fait le pari de l’expérience et du terrain, en me disant que c’était «quitte ou double» et j’ai foncé. Je suis de nature très intuitive et déterminée, et j’ai choisi de me rendre au Festival de Cannes pour défendre mon projet de long-métrage et faire de nouvelles rencontres. Les festivals sont très formateurs pour cela, et Cannes tout particulièrement comme carrefour du cinéma international. Je m’y suis senti à l’aise et j’allais et venais entre les pavillons canadiens (Téléfilm Canada), québécois (Sodeq) et français (Unifrance).
Cette année 2017 a été ponctuée par des tournages au Canada en tant que directeur Artistique et assistant réalisateur (j’y retournais un mois par-ci, un mois par-là), au Vietnam et par des repérages à San Francisco et Los Angeles pour des films. Je passais très peu de temps en France, et c’est vraiment en 2018 avec mon projet de film Les Mouettes, qui était alors en début d’écriture que j’ai décidé de m’y établir officiellement.

Pourquoi créez-vous en 2018 avec Laurence Meunier au multiplex le Majestic de Compiègne, le «Festival Plurielles» qui met les femmes à l’honneur dans le cinéma international, et quel est son bilan à ce jour?

Laurence Meunier est l’une des plus belles rencontres de ma vie, car elle incarne tout ce que j’admire et que je respecte. C’est une femme d’affaires puissante et inspirante, qui aime profondément l’humain et qui a voué sa vie entière au cinéma, ce qu’elle a hérité de sa grand-mère qui était elle-même exploitante et une vraie Pygmalionne. Nous travaillons ensemble depuis 3 ans désormais, ayant pour ma part intégré pleinement son équipe au poste de Programmateur du Majestic de Compiègne, et cela n’est pas près de s’arrêter. Je consulte Laurence sur toutes les décisions importantes que j’ai à prendre, autant professionnelles que personnelles, et elle est souvent la première à lire mes scénarios. Nous nous sommes rencontrés au festival de Cannes 2017, sur les conseils d’un ami commun. C’était un matin au pavillon de Téléfilm Canada, juste après une séance de projection du sombre et important film 120 battements par minute de Robin Campillo. Nos personnalités enjouées et passionnées se sont tout de suite entendues, et nous nous sommes promis de nous revoir vite.
Laurence est la Présidente directrice générale du Majestic de Compiègne, un multiplex de 14 salles, classé art et essai que je connaissais bien puisqu’il est le cinéma de référence de ma région des Hauts-de-France. Touchée par mon travail et mon intérêt pour les femmes, elle m’a demandé si je souhaitais organiser quelques séances autour des femmes au mois de mars 2018 dans son établissement, une tradition qui avait lieu quelques années auparavant avec un Collectif associatif. Finalement, nous avons décidé de combiner nos forces, nos expériences et nos énergies pour créer le «Festival Plurielles», dont se sera cette année la quatrième édition du 10 au 18 avril, si les conditions sanitaires le permettent. Ce festival est «notre bébé». J’y consacre beaucoup de temps et d’énergie, car il synthétise tout mon amour pour le cinéma, les artistes qui le créent et les messages forts qu’il peut défendre. Le principe du festival est de mettre en lumière les personnages féminins forts et inspirants des films internationaux contemporains. Il y a évidemment une compétition et des remises de prix par un jury de professionnel.le.s du cinéma, mais aussi des sélections parallèles, des évènements, des ateliers, des conférences et de nombreuses avant-premières. Les artistes présentent les films au public, avec une programmation mêlant volontairement films d’auteurs et cinéma commercial. L’année dernière fut très compliquée pour le festival, qui devait avoir lieu du 6 au 13 mars et qui a été annulé 5 jours avant l’ouverture à cause de la crise sanitaire. Une soirée de solidarité avait été organisée à Paris au cinéma le Grand Action le 10 mars et nous avons tout de même réussi à avoir une version réduite du festival à la réouverture des salles françaises du 1er au 8 juillet 2020. Parmi les nouveautés de 2021, les documentaires-déjà très présents dans les éditions précédentes-intègreront la compétition officielle, des courts métrages seront aussi présentés et une grande journée des professionnel.le.s aura lieu le jeudi 15 avril 2021. J’espère sincèrement que cette quatrième édition pourra se tenir, car plus que jamais nous avons besoin de partager du cinéma et de la culture, d’échanger, de permettre la rencontre entre les spectateurs, les œuvres et les artistes tout en continuant de défendre nos valeurs de parité et d’inclusion.

Jina Djemba (actrice et membre du jury Plurielles 2020), Quentin Delcourt (Directeur Général du festival Plurielles), Annabelle Lengronne (actrice, Lauréate du prix plurielles 2020 de la meilleure actrice dans un second rôle) et Laurence Meunier (PDG du Majestic de Compiègne et Co-Directrice générale du festival Plurielles).|

Crédit photo : Edouard Bernaux
De gauche à droite :

Comment est née l’idée de réaliser votre film documentaire «Pygmalionnes»? Qui sont ces Pygmalionnes? Comment avez-vous procédé pour recueillir leurs témoignages, et pourquoi cet engagement en faveur des femmes?

Le projet Pygmalionnes est né avec la première édition du festival Plurielles en 2018. On était alors en pleine affaire Weinstein aux USA et la parole des femmes du cinéma se libérait sur la question du harcèlement. J’étais évidemment content de suivre cette libération de la parole et ai proposé à Laurence Meunier d’interroger quelques personnalités du cinéma pour présenter un condensé de témoignages d’une vingtaine de minutes lors du festival. Un soir, je n’arrivais plus à dormir car je me disais qu’il ne fallait pas que je me contente d’une vingtaine de minutes, mais bien que je fasse un film entier. Je trouvais en effet que les femmes n’étaient alors montrées que comme des victimes ou en comparaison aux hommes, et que cette image était à l’opposé de la façon dont moi je les percevais depuis toujours. J’ai donc décidé de réunir une équipe et d’aller interroger onze femmes de plusieurs secteurs de notre industrie du Cinéma sur leurs parcours respectifs, qu’elles soient devant ou derrière la caméra. Je voulais qu’elles me parlent de leurs débuts, de leurs rêves, de leurs ambitions et des réalités du métier auxquelles elles se trouvaient confrontées. Je voulais qu’elles me parlent argent, projets, famille, âge, séduction, déceptions etc., sans langue de bois et avec un dispositif dépourvu de tout artifice : un simple fond gris, pour que toute notre attention soit concentrée sur leurs paroles d’artistes citoyennes. Ce fut un moment magique de ma vie. Très stressant d’un point de vue financier car j’avais décidé d’autoproduire le film, mais tellement enrichissant, car ces femmes qui m’inspiraient m’autorisaient à les filmer et les aimer. Car s’il y a bien une chose que montre Pygmalionnes, c’est que prendre le temps de regarder et d’écouter véritablement quelqu’un, c’est se rendre compte de sa beauté totale et de sa lumière. Nathalie Marchak, Naidra Ayadi, Aïssa Maïga, Élisabeth Tanner, Stefi Celma, Alix Benezech, Hafsia Herzi, Céline Bozon, Isabelle Gibbal-Hardy, Anne Richard et bien sûr Laurence Meunier ont permis, par leurs témoignages dans ce film, de faire que le terme «Pygmalion» puisse être employé au féminin. J’ai beaucoup grandi grâce à ces Pygmalionnes, qui sont aujourd’hui toutes des amies et qui ont permis à de nombreuses spectatrices et spectateurs de trouver du réconfort et des réponses, lors de la sortie en salles du film. Je n’aime pas nécessairement dire que je suis «engagé» envers les femmes, car j’aurais l’impression de leur «devoir» quelque chose, alors que mon cinéma et mes actions envers elles sont tout à fait naturels. Je dirais plutôt que je les ai toujours aimées et admirées et que je ne comprends pas pourquoi elles seraient traitées différemment des hommes. Je ne supporte pas l’idée d’un clivage entre les femmes et les hommes et j’espère sincèrement que nous allons avancer ensemble, pour construire le cinéma de demain car nous sommes un reflet de la société et que le pouvoir des images est loin d’être minime. Il m’a parfois été reproché d’avoir réalisé ce film parce que je suis un homme, ce que je trouve totalement absurde. Le cinéma à mon sens n’a d’intérêt que s’il est une rencontre avec Autrui et une transmission, ce que je pense avoir essayé de faire avec mon film Pygmalionnes.

Crédit photo Henri Collot
De gauche à droite :
Nathalie Marchak, Naidra Ayadi, Aïssa Maïga, Alix Benezech, Quentin Delcourt, Isabelle Gibbal-Hardy, Anne Richard, Stefi Celma, Elisabeth Tanner, Laurence Meunier|

Ce long métrage «Pygmalionnes» que vous avez réalisé vous a permis de monter les fameuses marches du Festival de Cannes, et il est aujourd’hui éligible dans la catégories «meilleur documentaire» à la prochaine édition des César prévue le 12 mars 2021. Quel regard portez-vous sur ce chemin déjà parcouru avec ce film?

Malgré un parcours en salles arrêté par la pandémie comme pour la majorité des films en 2020, je suis très heureux des nombreux débats qui ont été organisés à Paris et dans le reste de la France autour de Pygmalionnes, avant et après sa sortie nationale. Nous avons en effet pu présenter le film autant dans des salles parisiennes mythiques, que dans des multiplex ou des cinémas ruraux tenus par des associations, mais aussi dans des festivals et dans des institutions importantes telles que l’Assemblée Nationale. Ces moments riches en émotions et en partage, avec un public intergénérationnel et mixte, sont une vraie récompense, ils nous permettent de continuer à apprendre et à mieux comprendre le fonctionnement et les mœurs de notre société. Le fait de monter les marches du Festival de Cannes avec une partie de l’équipe était bien sûr un moment émouvant, mais surtout symbolique, et aujourd’hui nous espérons vraiment que le film fera partie des cinq nommés dans la catégorie «Meilleur Documentaire» pour les César 2021. Cela serait une preuve que les mentalités évoluent vraiment au sein de notre industrie et encouragerait davantage de jeunes à saisir leurs caméras pour filmer le monde qui les entoure. Au départ, personne ne me croyait quand je disais que le film était destiné à la salle de cinéma. Des producteurs trouvaient le projet très intéressant mais voulaient changer totalement la liste des intervenantes pour la rendre plus «bankable», ce qui m’a décidé à créer ma compagnie IRRX Films Productions, avant d’être rejoint à mi-parcours en coproduction par Marie Chrétien Franceschini (La Cerise Sur Le Gâteau), qui m’a fait confiance et n’a jamais remis en question la liste des Pygmalionnes interviewées, pensant que les femmes, mais aussi les hommes, pourraient se retrouver dans l’un de ces témoignages. Croire en la force d’une parole et d’une vision, prendre des risques et mener à bout ses projets sont à mon sens des qualités requises pour travailler dans cette industrie. C’est un message que Pygmalionnes me permet à titre personnel de transmettre à de nombreux étudiants lors de vidéo-conférences et de présentations autour du film, y compris à l’étranger (États-Unis notamment). C’est la mission que nous poursuivrons en 2021, en continuant à présenter le film en salles en France et à l’étranger, dans les Alliances françaises et les écoles aussi. Et pourquoi pas bientôt à Trieste? (Sourire).

Avez-vous d’autres projets de films en cours de développement ou de tournage pour 2021?

Oui! 2021 sera une véritable année de défis cinématographiques pour moi, car nous préparons mon premier long-métrage de fiction, Les Mouettes, qui parlera de bipolarité et d’inceste. Il s’agira d’un film très personnel, au casting magnifique composé de Béatrice Dalle, Victor Belmondo, Djanis Bouzyani, Laurent Lucas, Linh-Dan Pham, Paul Gomerieux, Agnès Soral, et une équipe technique exceptionnelle. Le film sera entièrement tourné dans les Hauts-de-France. J’ai vraiment hâte de faire ce film, dont le tournage est prévu en septembre. Nous préparons aussi un second documentaire de cinéma, Pygmalionnes Africa, qui recueillera cette fois-ci la parole de femmes inspirantes oeuvrant dans le cinéma sur le continent africain. J’ai demandé à la réalisatrice nigérienne Rahmatou Keita de me rejoindre sur ce film car l’idée d’une coproduction et d’une co-réalisation sur ce sujet si fort m’intéressait. Nous sommes actuellement en recherche des financements et nous tournerons – si tout va bien – les premières entrevues lors du prochain Festival de Cannes. Enfin, je suis en cours de négociations pour acquérir les droits du livre «Moi j’embrasse», de Clément Grobotek, qui traite de l’homophobie et de la prostitution masculine de luxe à Paris, pour en faire l’adaptation cinématographique.

La pandémie qui sévit depuis plusieurs mois impacte fortement les secteurs de la Culture avec notamment la fermeture des salles de cinéma, des théâtres, des lieux culturels, l’annulation de divers tournages, de festivals, dont certains se sont tenus en ligne comme la 26e édition du festival Cinémania de Montréal dont vous étiez un membre du jury. Quels enseignements tirez-vous de cette situation pour le futur?

S’il est vrai que personne n’avait pu prévoir cette pandémie internationale handicapante et violente pour tous, notre secteur du cinéma se trouve aujourd’hui particulièrement touché. Voir nos salles fermées est un crève-cœur, et j’espère sincèrement que nous pourrons rouvrir les lieux de culture le plus rapidement possible. Il en va de notre santé mentale à toutes et tous. J’aime à répéter que nous, les acteurs culturels, sommes le vaccin. Le vaccin contre l’ennui et la morosité du quotidien. Le vaccin des blessures passées et celui des réhabilitations. Le vaccin même de ces deux confinements que nous venons de passer et qui nous ont privés du contact social que produisent aussi l’art et la diffusion des œuvres. Il faut que nous restions soudés, tous, pour nous concentrer sur la réouverture des cinémas, des théâtres, des musées, des salles de concerts. Notre devoir, c’est d’être présent.e.s pour répondre à la demande, au désir du public aujourd’hui et plus encore demain. Alors gardons notre énergie pour créer, produire, réaliser, écrire, transmettre et programmer des œuvres fortes, divertissantes et permettre à nos spectateurs de voyager à quelques pas de chez eux. J’ai eu la chance de pouvoir le faire virtuellement du 4 au 22 novembre 2020 avec le festival Cinémania de Montréal dont j’étais effectivement membre du jury et cela fait le plus grand bien. Malgré tout, aucun écran d’ordinateur ou de tv/tablette/téléphone ne remplacera la salle de cinéma et je pense que mon ami Guilhem Caillard, directeur de ce festival émérite, sera du même avis. Je suis un adepte de l’expérience en salle, de l’émotion partagée ensemble en regardant un film, de ce lieu magique de la démocratie où tout est possible. J’ai bon espoir car nos fondements sont solides et l’exception culturelle française ne sera jamais «un vague souvenir». À nous de nous battre pour la préserver, la faire respecter. La chronologie des médias est le réel enjeu de demain, celui sur lequel nous devons nous concentrer pour que cohabitent intelligemment la montée en force des plateformes, avec la primeur historique des salles de cinéma qui sont l’une des plus belles créations françaises appréciées du public. En effet, notre parc cinématographique, le premier en Europe, est aussi une source de grande fierté nationale et contribue au rayonnement du cinéma français et international.


AP Les Pygmalionnes-Paris Les Halles-12 nov 2019.

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