Pierre-Olivier Costa a été nommé en novembre 2022 à la présidence du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM). Ce musée, dont le bâtiment est fameux pour sa structure cubique en résille de béton imaginée et réalisée par l’architecte Rudy Ricciotti, a été inauguré en 2013, année où Marseille était capitale européenne de la Culture.
Pierre-Olivier Costa nous fait le plaisir de cet entretien pour l’Alliance Française de Trieste afin de nous présenter le MUCEM, évoquer notamment les 10 ans de cette institution culturelle, ainsi que l’arrivée de la flamme olympique à Marseille.
Qu’est-ce-que le MUCEM ? Quels sont les lieux qu’il occupe à Marseille ? Quelle est la particularité de ses collections ?
Le Mucem est un musée national avec une spécificité : il conserve des objets que l’on n’a pas forcément l’habitude de voir dans un musée plus classique, des objets du quotidien, des objets qui ont vécu avec les femmes et les hommes. Il est l’héritier du musée des arts et traditions populaires qui était situé à Paris et qui avait été pensé, par le Front populaire, comme « le Louvre du peuple ».
À Marseille depuis tout juste plus de 10 ans, il réunit trois bâtiments : celui, posé sur la Méditerranée, conçu en 2013 par Rudy Ricciotti, le Fort Saint-Jean construit sous Louis XIV et le Centre de conservation et de ressources situé dans un autre quartier de Marseille.
Mucem, architectes Rudy Ricciotti et Roland Carta, © Mucem / Maxime Verret
Depuis votre prise de fonctions avez-vous mis en place des mesures spécifiques pour valoriser les collections du musée et élargir ses publics ?
Je suis arrivé à la présidence du Mucem deux mois avant ses 10 ans. Nous avons donc très vite décidé de célébrer cet anniversaire, ce qui était aussi l’occasion de réadresser des messages aux publics qui venaient jusqu’ici peu ou pas du tout au Mucem. Pour attirer ces publics, nous avons également pensé que notre collection, mémorielle et émotionnelle, pouvait être un atout. C’est pourquoi, nous avons décidé d’ouvrir en décembre 2023, la première exposition permanente de notre collection : « Populaire ? ». Nous avons également modifié notre identité visuelle, avons travaillé sur la signalétique, le titre de nos expositions et enfin nous avons créé un conseil des publics.
Pourquoi avez-vous souhaité modifier et ouvrir la gouvernance du MUCEM ?
D’abord ce conseil des publics qui est en réalité un conseil des non-publics puisqu’il réunit des représentants de celles et ceux qui ne viennent presque jamais au musée. C’est une première. Nous y trouvons des représentants de centres sociaux des quartiers Nord, Sud et Est de Marseille, des supporters de l’OM, une association de personnes en situation de handicap, un représentant des communes rurales… Nous leur soumettons notre programmation, notre communication, notre médiation et nous tenons compte de leur avis. J’ai également souhaité mettre en place un conseil de programmation afin que tous les services du Mucem soient associés aux choix des expositions.
Parlez-nous du Mucem Tandem.
Il s’agit d’une opération qui porte une partie de l’ambition internationale du Mucem. C’est une nouvelle forme de jumelage culturel. Le Mucem avait chaque année un musée invité et un artiste invité, sans lien. Nous avons décidé de fondre ces opérations et d’inviter plus largement une ville à élaborer des échanges avec nous pendant toute une année. Ainsi, le musée invité sera de cette ville, comme l’artiste invité et nous consacrerons à cette ville notre programmation cinéma et une partie de notre programmation culturelle. Nous aurons aussi un outil technologique qui permettra à nos publics d’être en lien avec les habitants de la ville invitée, en direct et pendant toute l’année. La première saison de Mucem Tandem sera lancée en 2025 et la ville choisie sera dévoilée en fin d’année 2024.
Comment le MUCEM dialogue-t-il notamment avec les autres institutions culturelles de la ville de Marseille ?
Le Mucem est un musée national et un musée du territoire. Nous travaillons chaque jour avec les musées de la ville de Marseille et les institutions culturelles du territoire. Nous avons mis en place des expositions sur plusieurs sites, comme celle que nous présentons à l’occasion des Jeux Olympiques, « Des exploits, des chefs d’œuvre ».
Du 2 juin 2023 au 15 juin 2024 sont célébrés les 10 ans du MUCEM. Quels sont les évènements emblématiques qui ont été organisés à l’occasion de cet anniversaire ?
Nous avons débuté cette année anniversaire par une journée dédiée à l’inclusion. Nous voulions rappeler que le Mucem, musée de société, avait une responsabilité sociétale. Nous sommes un musée pour tous et un musée qui a un rôle dans le champ social. Nous avons voulu également réanimer une curiosité autour de notre programmation pour inciter les publics à nous rejoindre.
Nous avons enfin consacré plusieurs week-ends à des thématiques qui nous sont chères : l’architecture, la vie étudiante, l’enfance, « un grand musée bleu » sur les solutions pour lutter contre la pollution en Méditerranée, « La vie en vert » sur le jardin de demain… Car le Mucem dispose d’un grand jardin, « le jardin des migrations », et doit participer à l’invention des espaces verts de demain, notamment en raison de la raréfaction de « l’or bleu ».
Quel bilan tirez-vous de ces 10 ans de vie du MUCEM, et quelles évolutions envisagez-vous pour cette institution culturelle afin d’en diversifier et consolider son positionnement ?
Le Mucem s’est installé dans le paysage muséal comme un acteur central. Nous avons en 5 ans doublé le nombre de demandes de prêts. Notre collection intéresse de plus en plus. Le Mucem s’est aussi installé au cœur de son territoire. Il est devenu un lieu emblématique de la ville de Marseille et de la région Sud. Aujourd’hui, c’est le défi de renouvellement des publics, d’aller chercher ces publics qui ne viennent pas dans les institutions culturelles. Le Mucem doit être le fer de lance de cette politique de reconquête.
Pouvez-vous nous indiquer les temps forts du MUCEM prévus dans les mois à venir ?
Nous venons d’ouvrir une seconde exposition permanente après « Populaire ? Les trésors des collections ». « Méditerranées » est consacrée à ce bassin méditerranéen, à son histoire, à ses représentations, avec une carte blanche à l’artiste Théo Mercier. Au mois de juillet, nous ouvrons la première grande exposition consacrée à cette thématique : « Paradis naturistes ». Cette exposition va interroger notre rapport au corps et à la nature et proposer d’aller au-delà des idées reçues.
En conclusion de cet entretien je souhaiterais évoquer avec vous l’évènement du 8 mai dernier, avec l’arrivée à Marseille de la flamme olympique sur le Belem, ce voilier magnifique, accueilli par une foule immense de Marseillais dans une ambiance festive. Comment avez-vous vécu ce moment exceptionnel, symbolique ?
Pensez-vous que cet évènement historique retransmis dans le monde entier puisse avoir un
impact positif sur la ville de Marseille, ses institutions culturelles, dont le Mucem ?
L’arrivée de la flamme olympique le 8 mai dernier a montré une fois encore – après l’accueil de la coupe du monde de Rugby ou encore la visite du Pape François – que Marseille savait organiser des grands évènements avec une ferveur particulière.
L’enthousiasme et l’émotion des Marseillais ont donné le la de ce qui attend l’ensemble des Français dans quelques semaines. Cette image de Marseille diffusée dans le monde entier vient brouiller les clichés habituels. Le Mucem s’est aussi mis aux couleurs de ce rendez-vous. Nous avons présenté le plus grand tifo jamais réalisé par les supporters de l’OM et nous avons inscrit sur notre façade, en français et en grec, une phrase de l’Iliade d’Homère : « De nos mains viendra la lumière ».