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Alliance française Trieste

Entretien avec Pascal Rogard

Entretien avec Pascal Rogard, réalisé par Milvia Pandiani-Lacombe

L’Alliance française de Trieste va à la rencontre de personnalités du monde culturel, des médias, de l’institutionnel, afin de vous faire partager leur actualité, leurs actions, leurs projets.

Réalisé par Milvia Pandiani-Lacombe, Conseillère Culturelle de l’Alliance française de Trieste.

Pascal Rogard Directeur Général de la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) et Président de la Coalition française pour la diversité culturelle1.

Amateur de Théâtre et formé au droit public et aux sciences politiques, Pascal Rogard a très vite conscience des enjeux nationaux, européens et mondiaux liés à la création, et il s’engage dans la défense des professionnels du secteur du cinéma et de l’audiovisuel. Ses qualités de négociateur, son envergure sont vite reconnues et appréciées. Il devient un interlocuteur essentiel des pouvoirs publics français et de l’Union Européenne. En sus de ses fonctions de Secrétaire général de la chambre syndicale des producteurs de films, en 1989, le réalisateur et producteur Claude Berri lui confie les responsabilités de Délégué général de l’ARP (La Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs)2. Il orchestre l’un des temps forts de la profession qui sont les Rencontres de l’Arp à Beaune (actuellement à Dijon) où chaque année, pendant plusieurs jours, 600 professionnels français, européens et du monde entier se retrouvent pour débattre sur les problématiques du moment et les évolutions futures. C’est en 2004 qu’il devient Directeur Général de la SACD.

Le fil conducteur de votre parcours professionnel est votre engagement en faveur de la création sous toutes ses formes. Comment la SACD, que vous dirigez depuis 2004, participe à la défense des créateurs ?
La SACD est l’héritière des principes de Beaumarchais3qui a regroupé les auteurs pour mieux défendre la rémunération de leur travail et obtenir une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation de leurs œuvres. Mais au delà de cette activité de perception et de répartition, nous menons des actions politiques de défense de la création, du droit d’auteur et de tous les éléments sociaux ou fiscaux qui peuvent affecter la vie professionnelle des auteurs.
Par ailleurs nous avons une forte action culturelle de soutien à l’écriture aussi bien pour le spectacle vivant que pour l’audiovisuel. Ces actions nous les menons de plus en plus avec des partenariats qui nous permettent d’accroître les ressources disponibles.

La SACD a une présence importante dans de nombreux festivals et particulièrement au Festival de Cannes. Quelles sont les principales actions organisées pour les auteurs ?
Au festival de Cannes, notre stand commun avec celui de l’Arp est un point de rencontre. J’anime aussi des entretiens avec des personnalités du cinéma et de l’audiovisuel de façon à ce que les auteurs soient mieux informés sur le financement de la création. En outre nous organisons sur la plage du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) un grand débat politique. Cette année il était consacré aux plateformes de vidéo à la demande. Frédérique Bredin Présidente du CNC et Nathalie Sonnac membre du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) ont présenté la première étude commune sur le sujet qui interroge tous les cinéastes car on voit bien que les nouveaux modes de diffusion affaiblissent les médias traditionnels et qu’il vont être indispensables pour que les films se fassent.

Quelle est la position de la SACD au regard de la réforme sur la Directive européenne relative au droit d’auteur ?
Nous sommes satisfaits des avancées sur la responsabilité des plateformes mais extrêmement déçus que le principe de rémunération proportionnelle n’ait pas été étendu à tous les pays de l’Union par les représentants des États. Nous attendons un sursaut des parlementaires car beaucoup d’entre eux ont compris l’enjeu de cette réforme.

En votre qualité de Président de la Coalition française pour la diversité culturelle vous défendez la langue française, “langue de création”. Quelles sont les mesures que vous préconisez pour favoriser son usage dans l’espace public ?
Je suis pour qu’on bannisse le plus possible les mots franglais qui envahissent le langage courant, le commerce et beaucoup d’activités parce que ça fait « moderne ». Je pense que tous ceux qui bénéficient de l’argent public doivent sur ce point être exemplaires car notre langue est un patrimoine à préserver et à développer.

Quels sont pour vous les enjeux à venir concernant la création ?
L’enjeu pour le spectacle vivant c’est de mener une véritable politique de l’expression contemporaine pour que les auteurs et autrices puissent plus facilement accéder aux théâtres et autres lieux de spectacles, et être joués.
Pour le cinéma et l’audiovisuel l’enjeu est de bâtir de nouveaux modèles de financement car l’actuel est très menacé par le développement des plateformes de services à la demande.
C’est une tâche compliquée mais nous avons remporté un premier succès avec l’adoption dans la directive sur les services de médias à la demande du principe de contribution financière sur les ressources du pays de destination, c’est à dire là où la valeur est créée.
C’est un premier pas mais il est clair que le retard de l’Europe sur les nouveaux services audiovisuels exige une réponse forte qui ne saurait être nationale.
Actuellement le plus grand risque, c’est l’immobilisme et les réflexes nationalistes et corporatistes. Nous devons être exigeants, courageux et visionnaires.

Pascal Rogard parraine aussi depuis sa création, l’association L’Assemblée des Médias4 qui a fêté ses 10 ans le 12 juin dernier. A cette occasion il a proposé et animé le grand débat sur le thème “Politique audiovisuelle à l’ère numérique : évolution ou révolution ?” en présence de nombreuses personnalités dont Françoise Nyssen, la Ministre française de la culture.

1 Créée en 1997 contre l’A.M.I.(accord multilatéral sur les investissements négocié à l’OCDE), la Coalition Française pour la Diversité Culturelle , anciennement connue sous le nom de Comité de vigilance pour la diversité culturelle, rassemble les organisations professionnelles de la culture (cinéma, télévision, spectacle vivant, édition, musique, arts graphiques et plastiques et multimédia) et défend la diversité culturelle face aux négociations commerciales internationales.
La Coalition coordonne les objectifs que veulent défendre ensemble les professionnels auprès des pouvoirs publics français, européens et internationaux :
La défense de la liberté d’expression et de création dans un environnement social et économique favorable à l’émergence des talents et à l’expression de toute la diversité de la création, sous quelque forme que ce soit.
La défense de la capacité des Etats et des groupements d’Etats à mettre en place, à développer et à adapter leurs politiques culturelles, tous secteurs confondus.
Le maintien de la culture en dehors des accords de commerce internationaux et des engagements de libéralisation dans le cadre de l’OMC.
Le développement en dehors de l’OMC de normes juridiques internationales favorisant la diversité culturelle et le pluralisme.
La Coalition Française est membre fondateur de la Fédération Internationale des Coalitions pour la Diversité Culturelle (FICDC), créée en septembre 2007. La FICDC regroupe 42 Coalitions issues de tous les continents et représente au total plus de 600 organisations professionnelles de la culture.
La Coalition française pour la diversité culturelle a eu, aux côtés des autres Coalitions dans le monde, un rôle majeur dans les étapes qui ont conduit à l’élaboration puis à l’adoption le 20 octobre 2005 de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, ainsi que dans le processus de ratification qui a conduit à son entrée en vigueur le 18 mars 2007. Elle participe pleinement, en tant que représentant officiel auprès de l’UNESCO de la Fédération internationale des Coalitions pour la diversité culturelle, au processus de mise en œuvre et de suivi de la Convention.
Rencontres, débats, conférences, avant-premières… sont autant d’évènements régulièrement organisés pour mettre en lumière les défis et enjeux culturels. La Coalition française reste vigilante sur les politiques mises en place en France et en Europe, et notamment sur les évolutions dues à la révolution numérique. Elle travaille en étroite collaboration avec les autres Coalitions en Europe pour mobiliser les organisations professionnelles et les autorités européennes sur les enjeux de la diversité culturelle et les attentes des professionnels de la culture en la matière.
La Coalition française mène également des actions à l’étranger visant à encourager la coopération entre les organisations professionnelles de la culture afin qu’elles adoptent des stratégies communes dans la défense de leurs intérêts, notamment par la création de coalitions nationales. Elle explique le défi que représente la mondialisation des échanges commerciaux, particulièrement pour les pays en voie de développement, et l’importance d’inciter leurs gouvernements respectifs à soutenir l’élaboration et la ratification de la Convention signée par 132 pays à ce jour.
La Coalition française coordonne les activités menées au nom des Coalitions européennes pour la diversité culturelle qui se sont donné pour objectif de mobiliser les organisations professionnelles européennes et de défendre auprès des autorités européennes les intérêts des professionnels de la culture, sur tout sujet de la compétence communautaire ayant un impact sur la culture, notamment les négociations commerciales.

2 Fondée en 1987 à l’initiative de Claude Berri et d’une trentaine d’auteurs-réalisateurs-producteurs, L’ ARP compte désormais plus de 200 membres sensibles à sa mission : défendre la diversité des films français et européens, l’indépendance de l’auteur-réalisateur-producteur et la transparence économique de la production cinématographique.
L’ARP est représentée dans de nombreuses commissions et institutions (Festival de Cannes, Unifrance, Commission de classification et Commission d’agrément du CNC) et participe à l’élaboration de la politique cinématographique et audiovisuelle avec le CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée), le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), la Commission Européenne, les éditeurs et diffuseurs de contenus, le Ministère de la Culture, ainsi que les autres organisations professionnelles.
L’action de L’ARP se traduit aussi par l’organisation de manifestations culturelles en France (Les Rencontres Cinématographiques de Beaune, puis de Dijon) ou à l’étranger (COLCOA de Los Angeles, la création d’un cinéma en plein air à Erbil), la formation des futurs professionnels de l’image et des générations de spectateurs à venir.
En octobre 1996, L’ARP a ouvert le Cinéma des Cinéastes, établissement de trois salles dédiées principalement au cinéma européen, accueillant par ailleurs de nombreux festivals, avant-premières, expositions.

3 Nous conseillons à nos lecteurs de voir ou revoir l’excellent film d’Edouard Molinaro Beaumarchais l’insolent (1996) avec une distribution exceptionnelle, dont Fabrice Luchini dans le rôle de Beaumarchais.

4 L’association, Assemblée des Médias (2006), a pour but principal de créer des passerelles entre les acteurs du monde des médias, des nouveaux médias et du 7e Art. Elle représente un véritable lien entre les créateurs, auteurs, réalisateurs, producteurs, éditeurs de programme et diffuseurs, afin que ces derniers puissent communiquer, échanger, se rencontrer, pour faire naître, ensemble, de nouvelles œuvres.
L’Assemblée des Médias contribue ainsi à l’émergence de nouvelles œuvres audiovisuelles, cinématographiques et transmédias.
Pascal Rogard, reconnu pour être un véritable défenseur de la création, parraine l’association.
L’association a également été créée pour défendre, à travers la création audiovisuelle, les valeurs universelles des droits de l’Enfance et de l’Homme.