Entretien avec Louis Héliot
par Milvia Pandiani-Lacombe
Louis Héliot est l’un des piliers du Centre Wallonie-Bruxelles (CWB). Son contact chaleureux et son travail de valorisation des artistes et des œuvres francophones sont reconnus et appréciés par la Profession du Cinéma. Pour l’Alliance Française de Trieste il revient sur les missions du CWB et nous parle de son actualité.
Quand a été créé le CWB, quelle est son organisation et quelles sont ses missions ?
Le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris a été inauguré en septembre 1979, avec une salle d’exposition (du côté de la rue Saint-Martin, sur la Piazza Beaubourg), et du côté de la rue Quincampoix, une salle de théâtre (de 166 places), une salle de cinéma (99 places) puis une librairie (ouverte en 1994).
Loin de constituer un mausolée qui contribuerait à la canonisation de l’héritage patrimonial de la culture belge francophone, le Centre est un catalyseur de référence sur l’état de la création contemporaine belge et sur l’écosystème artistique dans sa transversalité.
Sous la direction de Stéphanie Pécourt, au travers d’une programmation résolument désanctuarisante et transdisciplinaire, le Centre est mandaté pour diffuser et valoriser des signatures d’artistes basé.e.s en Fédération Wallonie-Bruxelles, dans une perspective d’optimisation de leur irradiation dans l’Hexagone. Il assure ainsi la promotion des talents émergents ou confirmés, du périphérique au consacré. Il contribue à stimuler les coproductions et les partenariats internationaux et à cristalliser une attention en faveur de la scène belge francophone.
Le Centre dévoile, par saison, des démarches artistiques qui attestent de l’irréductibilité à un dénominateur commun des territoires poreux de création contemporaine belge. Situé dans le 4e arrondissement de Paris, face au Centre Pompidou, sa programmation se déploie sur plus de 1000m².
Le Centre est un service décentralisé de Wallonie-Bruxelles International (WBI) : instrument de la politique internationale menée par la Wallonie, la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale.
Dites-nous les actions récentes qui y ont été menées et pour quels publics ?
Dans tous les secteurs d’activité (arts visuels et numériques, arts vivants – danse, théâtre et musiques, littérature et cinéma), les programmateurs cherchent à toucher d’abord les professionnels et les critiques français et francophones, afin de faire connaître les artistes sélectionnés.
L’été dernier, l’exposition Labo-Démo #2 a présenté une sélection d’œuvres d’étudiants issus de l’École de la Cambre à Bruxelles et de l’École des Beaux-Arts à Paris, choisis par un jury mixte.
En début d’année, nous avons présenté l’exposition « Démons et merveilles – Critique de la raison pure – Œuvres d’Olivier et de Quentin Smolders », accompagnée d’une rétrospective intégrale des films réalisés par Olivier Smolders.
En cette rentrée, tous les espaces de création sont ouverts à des artistes issus de pays de la Francophonie, à la faveur de la 29e édition du Festival Francophonie Métissée.
En quoi consiste votre travail de Responsable de la programmation cinéma du CWB ? Quelle est l’importance des Festivals auxquels vous participez dans la découverte des œuvres et des nouveaux talents ?
Notre salle de cinéma n’est pas une salle commerciale. Elle est un outil que nous mettons au service de toutes les sociétés de production cinématographiques de Wallonie et de Bruxelles. Nous accompagnons les producteurs et les cinéastes dans leur processus de création, dans leur recherche de partenaires et de financement. Puis dans leur recherche, selon les cas, d’exportateur ou de distributeur français et de sélection en festival. Nous sommes en relation permanente et constante avec chacune des sociétés de production cinématographiques de Wallonie et de Bruxelles en court métrage, mais aussi en long-métrage de fiction, documentaire, animation et expérimental, afin de couvrir tous le spectre et la diversité de la production belge francophone.
Cet accompagnement va jusqu’à la sortie du film en salle, avec le cas échéant, une avant-première non - commerciale dans notre salle de cinéma, lors de notre programmation régulière des « rendez-vous des auteurs ».
Notre rôle est aussi de conseiller les programmateurs de festivals français ou d’institutions comme les cinémathèques dans la programmation de rétrospectives monographiques ou thématiques.
Nous avons aussi créé nos festivals récurrents, comme le « Festival Le Court en dit long », qui se tient chaque année fin mai-début juin, et qui propose en compétition la sélection d’une trentaine de courts métrages belges francophones parmi la centaine de courts métrages (co) produits par an en Wallonie et à Bruxelles.
L’actualité du CWB est la prochaine édition du Festival Francophonie Métissée (FFM) qui se tient à Paris du 24 septembre au 9 octobre 2020.
Quel est le pays mis à l’honneur cette année et quels sont les temps forts et nouveautés de cette 29e édition ?
Le Festival Francophonie Métissée se tient chaque année depuis 1992 et il met à l’honneur, tous les deux ans, le pays qui accueille le Sommet de la Francophonie. En cette année 2020, qui célèbre aussi le 50e anniversaire de l’Organisation internationale de la Francophonie, le Festival met à l’honneur la Tunisie, où le Sommet devait se tenir en novembre prochain. En raison de la crise sanitaire, il est reporté en 2021. Ce qui nous permettra de poursuivre cette mise à l’honneur des artistes tunisiens l’an prochain.
Véritable festival transdisciplinaire, cette édition propose un Live set de l’artiste tunisienne Deena Abdelwahed, l’une des plus prometteuses représentantes de la scène alternative du Maghreb. Les spectateurs pourront découvrir en continu des vidéos signées d’Ismaïl Bahri, dont le travail a été présenté notamment au Mac VAL et par Younes Ben Slimane qui a été sélectionné au Festival de Locarno. Le Festival célèbre aussi les 15 ans du Prix Senghor et propose un panorama de la littérature tunisienne actuelle. En soirée d’ouverture, Ben Fury & Yaska proposeront la création d’une performance chorégraphiée (Grandizer) et Gabriel Fellous la performance visuelle et sonore Tribute To Time. En théâtre, le jeune metteur en scène Thibaut Wenger propose une relecture de Combat de nègre et de chiens de Bernard-Marie Koltès. Pour la première fois avec une carte blanche de la Cité internationale des Arts de Paris, le Festival se clôturera avec le concert exceptionnel de Ghassen Fendri. L’originalité de sa démarche consiste à l’emploi d’un langage hybride et atypique, mariant musiques traditionnelles et modernes à travers l’adaptation de différentes techniques guitaristiques actuelles aux timbres spécifiques de la musique tunisienne.
Enfin, la partie cinéma, avec la Quinzaine du cinéma francophone, avec des films en provenance de dix pays de la francophonie, de la Tunisie au Laos, de la République démocratique du Congo à l’Arménie. Nous rendons aussi un hommage à la réalisatrice et productrice belge Marion Hänsel (avec Si le vent soulève les sables – primé à San Sebastian en 2006 et La Tendresse, film sélectionné au Festival de Rotterdam en 2013) et à l’acteur français Michel Piccoli, avec l’un de ses derniers films, une production belge-luxembourgeoise, restée inédite en France, Le Goût des Myrtilles de Thomas de Thier.
|Hommage à Marion Hänsel avec de gauche à droite : Daniela Elstner (Unifrance), Daniel Chabannes (Epicentre Films), Adrien Jolivet, René-Marc Bini, Monique Marnette (Man’s Films), Marc Baschet (ASAP Films) et l’actrice Maryline Canto.|
Nous sommes très heureux de proposer en ouverture et en clôture deux films labellisés « Cannes 2020 », il s’agit de deux premiers films réalisés par deux jeunes réalisatrices : Slalom de Charlène Favier et Si le vent tombe de Nora Martirosyan. Enfin, autre nouveauté de cette année, deux films en VR seront proposés au public : 11.11.18 de Django Schrevens et Sébastien Tixador et Kinshasa Now de Marc-Henri Wajnberg, qui était en compétition au dernier Festival de Venise ! Deux films en immersion, l’un dans les tranchées des dernières heures de la première guerre mondiale, l’autre au cœur de la mégalopole congolaise en suivant un enfant des rues de Kinshasa.
Marc-Henri Wajnberg, réalisateur de Kinshasa Now |
En conclusion de notre entretien je souhaite évoquer la disparition récente de Annie Cordy une grande Artiste Belge, Francophone, très populaire, lui avez-vous rendu un hommage particulier ?
Nous avions rendu un hommage à Annie Cordy lors du cycle Pleins feux que nous lui avons consacré en décembre 2014. Cette semaine s’était ouverte par un concert privé d’Annie Cordy (celles et ceux qui y ont assisté s’en souviennent encore, tant sa performance a été exceptionnelle et impressionnante d’énergie) ; elle nous a fait l’honneur d’une classe de cinéma, suivie de sa carte blanche qui mettait en valeur ses musiciens, l’ensemble Astoria dirigé par Christophe Delporte, dans leur répertoire personnel consacré aux œuvres d’Astor Piazzolla, une avant-première du film Les Souvenirs de Jean-Paul Rouve et une rétrospective constituée d’une dizaine de films, du Chanteur de Mexico de Richard Pottier à Impasse de la vignette de Anne-Marie Etienne.
Nous avions prévu une soirée en décembre prochain, avec un nouveau portrait en avant-première. Malheureusement, sa disparition a précipité la diffusion télévisuelle et le film Annie est désormais disponible sur les plateformes de France Télévisions et de la RTBF.