Entretien avec Patrick de Carolis
Entretien avec Patrick de Carolis, réalisé par Milvia Pandiani-Lacombe
Journaliste, présentateur et producteur d’émissions de télévision sur les principales chaînes privées et publiques, écrivain, Président de France Télévisions, Académicien des Beaux-Arts, et Directeur du Musée Marmottan Monet à Paris, Patrick de Carolis est un homme qui aime passionnément l’Information et la Culture, et qui n’a eu de cesse, au travers de ses différentes fonctions et activités, de transmettre cette passion.
Vous avez été à l’initiative de deux émissions : “Zone interdite” sur M6 et “Des racines et des ailes” sur France 3 qui ont reçu de nombreux prix, et qui restent des références en matière de programmes audiovisuels d’information et de valorisation du patrimoine culturel français et mondial. Quelles ont été vos motivations à leur création ?
J’ai bâti ma vie professionnelle sur la volonté constante de susciter le désir de culture. La culture est essentielle à la compréhension du monde et à l’épanouissement de chacun. Elle favorise le « vivre ensemble » et construit la personnalité de tout individu. Chacun peut ainsi vivre sa différence tout en étant agrégé à un socle commun, celui de sa ville, de sa région, de son pays. Ce principe de vie a toujours guidé la création de mes magazines, que ce soit « Reporters » sur la Cinq, “Zone Interdite” sur M6, “Des Racines et des Ailes ” sur France Télévisions ou plus récemment “Le Grand Tour” sur France 3 qui hélas s’est arrêté trop tôt.
Fort de votre expérience à la Présidence de France Télévision de 2005 à 2010, quelles sont d’après vous les missions que doit remplir le service public audiovisuel dans un contexte de plus en plus concurrentiel et d’adaptation nécessaire à l’évolution des modes de consommation des médias par les téléspectateurs, notamment des plus jeunes ?
Dans « service public » il y a le mot « service » qui induit une notion d’utilité, être utile non pas au consommateur mais au citoyen. L’Etat français consacre 3,9 milliards à l’audiovisuel public (dont 2,8 milliards pour France Télévisions). Cela représente la plus grande part du budget du ministère de la culture. Il est dès lors légitime, me semble-t-il, de s’interroger sur les missions du Service Public audiovisuel. Être utile aujourd’hui c’est aussi s’assurer que chacun de ces programmes - de l’information au divertissement – ait du sens. Par exemple est-ce que cela a du sens de produire la énième fiction sur un commissariat de police ? Ne serait-il pas plus judicieux d’adapter de grands chefs d’œuvre de la littérature française qui font la richesse de notre pays ? Dans le domaine de l’information ne pourrait-on pas, parallèlement aux magazines d’investigation, créer un rendez-vous de prospective qui nous éclaire sur le futur de notre vie quotidienne en matière de santé, de bioéthique, d’intelligence artificielle etc… Je crois plus généralement que les concurrents du service public audiovisuel ne sont pas les chaines de télévisions privées. Le combat est ailleurs. Le service public doit combattre l’ignorance, l’inculture, l’incivilité, l’appauvrissement de la réflexion, en d’autres mots l’assoupissement de la pensée. Cela rejoint la notion du « vivre ensemble » et de la construction de soi dont je parlais auparavant. Je crois profondément que la télévision publique doit se rapprocher du monde universitaire, éducatif, scientifique ainsi d’ailleurs que des artistes et de tous les acteurs du monde de la culture. Voilà, me semble-t-il, une voie intéressante pour renouer avec le jeune public.
Que représente votre élection à l’académie des Beaux-Arts ?
J’ai été élu à l’académie des Beaux-Arts la dernière année de mon mandat à la tête de France Télévisions, en 2010. J’y ai vu une reconnaissance du travail accompli par mes équipes dans les domaines que je viens d’évoquer. Une télévision utile au service de l’intelligence. Je suis très heureux de cette reconnaissance, heureux également de me trouver aujourd’hui parmi des artistes de talents engagés dans la transmission de leur art.
Quelle est la particularité du Musée Marmottan Monet que vous dirigez depuis 2013 ?
Le Musée Marmottan Monet est un musée de collectionneurs qui appartient justement à l’académie des Beaux-Arts et qui abrite, entre autres, le premier fonds mondial des œuvres de Claude Monet et de Berthe Morisot. C’est un musée entièrement autofinancé qui offre au public (360 000 visiteurs en 2017) deux expositions à Paris et trois expositions internationales itinérantes. C’est dans ce cadre par exemple que nous avons produit, de septembre 2017 à fin mai 2018, une exposition avec Artemisia au Complesso del Vittoriano de Rome, exposition qui a remporté un très grand succès.
Écrivain, vous êtes notamment l’auteur de romans historiques et d’un recueil de poésie “Refuge pour un temps d’orage”. Avez-vous un prochain ouvrage en cours ? Un sujet qui vous tient particulièrement à coeur ?
Côté écriture, je suis en train de terminer un nouveau recueil de poésie. J’adapte également un de mes livres Letizia Bonaparte, la mère de toutes les douleurs au théâtre et puis j’ai signé un nouveau roman historique en co-écriture avec mon épouse Carol Ann qui plongera le lecteur dans la Renaissance italienne.
Quelles sont vos relations avec l’Italie pays d’origine de votre arrière grand-père , et pays également riche de culture et de patrimoine ?
Oui, l’Italie est pour moi une seconde patrie étant donné mes origines paternelles. J’aime ce pays de lumière et de patrimoine. Un de mes livres “La dame du Palatin” évoque la Rome antique et la vie de Paulina Pompeius, arlésienne et épouse de Sénèque.
Arles-Rome ! Voilà mes deux berceaux.